Réinventer les soins et la guérison

par Larissa Crawford

 

 

 

Tawnshi, Larissa Crawford dishinikaashoon. Je suis une jeune femme afro-autochtone ainsi qu’une mère. Mon handicap est caractérisé par la douleur chronique, et les mots suivants témoignent de ma vérité. Le fait de les écrire et de les partager avec vous a été source de guérison. J'espère que ma vérité vous parlera et parviendra peut-être aussi à vous inspirer.

 

En novembre 2018, j'ai donné une conférence Tedx sur le fait d’agir avec intention en ce qui concerne notre impact et nos habitudes en matière d’autosoins. Cette situation était teintée d’ironie car j’avais laissé ma canne – celle que j’utilisais en raison de la douleur vive engendrée par mon incapacité et ma résistance catégorique à accorder à mon corps le repos dont il a besoin.

J'ai reçu un diagnostic de maladie inflammatoire pelvienne en août 2018. Même si ce diagnostic s’avérait exact, le docteur était pressé de me faire sortir de la pièce et m'avait prescrit le mauvais médicament. Comme je n’ai pas eu de traitement pour ma condition pendant un certain temps, j’ai développé des cicatrices permanentes sur mes organes pelviens, et mon diagnostic est devenu une maladie inflammatoire pelvienne chronique. Les conséquences de cette maladie ont profondément changé ma vie, qu’il s’agisse de la douleur chronique que je ressens, des deux cycles menstruels irréguliers que j’ai à chaque mois, des kystes ovariens qui explosent et de ma fertilité compromise.

Forte de mes 23 ans, j'étais habituée à un horaire exigeant qui comportait souvent des déplacements, même si j’avais une fille âgée d’un an à cette époque. La transition holistique imposée par mon nouvel handicap a nourrit l’amertume que j’éprouvais envers moi-même en raison de ce qui me semblait être une défaillance du corps et n'a fait qu'alimenter mon désir de prouver que je pouvais revenir à la « normale ».

Ce désir de retrouver une compréhension capacitiste du « normal » a mené à plusieurs hospitalisations, deux chirurgies et des mois de convalescence contraignants. En août 2020, j'ai utilisé mon fil Twitter pour décrire certaines instances où le racisme et les préjugés dans le système de santé occidental ont eu un impact direct sur ma santé; ces expériences de navigation dans les systèmes de santé de l'Ontario et de l'Alberta ont contribué à ma colère. J'avais tellement de colère. J'étais en colère contre ce qui m'arrivait, contre mon corps et contre les gens qui laissaient ces choses se produire encore et encore sans rien faire. Cette période de colère intense m’a fait réaliser à quel point la santé physique et la santé mentale sont intimement liées.

Mon cheminement en matière de guérison physique a débuté en reconnaissant et en honorant ma santé mentale. J’ai commencé à tenir un journal sur Instagram dans cette optique et une communauté de personnes effectuant un cheminement semblable en matière de guérison s’est tissée autour de moi. J’ai commencé à lire sur la justice pour les personnes en situation de handicap et à suivre des militant·e·s en situation de handicap pour mieux comprendre comment mes vérités avaient été influencées par le capacitisme et ce que je pouvais faire afin de remédier à cette situation. Fait encore plus important, grâce au soutien de guérisseur·se·s radicaux·ales obtenu par le biais des réseaux sociaux, à mes réseaux personnels et à des séances avec des Aîné·e·s, j'ai commencé à comprendre que je mérite également l’amour et l’attention que je porte aux personnes de mon entourage.

J’emploie maintenant réellement des pratiques afin d’équilibrer ma santé mentale et ma santé physique, et je découvre que les parcours de guérison que j’emprunte conduisent aux nouvelles définitions décolonisées que j’ai du succès. Je pense qu’il importe de partager certaines des pratiques faisant partie de mon régime de guérison croissant de manière plus approfondie :

 

Activement décoloniser ma façon de concevoir le temps

En tenant compte de la façon dont les constructions culturelles britanniques et chrétiennes du temps ont été et sont utilisées afin de justifier la déshumanisation et la colonisation de mes ancêtres, je réfléchis activement aux pratiques que je peux intégrer dans mon travail et mes espaces personnels afin de favoriser une relation plus saine avec le temps. Cela comprend le fait de prendre des jours de congé où je ne prends pas d’appels de mes clients, de leur dire « non », de prendre le temps de planifier les événements soigneusement et de créer des listes de travail à effectuer sur de plus longues périodes de temps.

 

Prioriser la forme physique basée sur le territoire

Grâce à des séances de thérapie et avec des Aîné·e·s, j'ai compris que le fait de réaliser des activités physiques basées sur le territoire avec ma famille est un déterminant important de ma santé mentale et physique. J'honore ce besoin en effectuant régulièrement des courses de longue distance, des promenades et des randonnées dans les prairies et les montagnes ainsi qu’en exprimant ma gratitude à travers la cérémonie et la méditation.

 

Militer afin de changer le système de soins de santé

Une bonne partie de mes expériences avec le système de soins de santé occidental ont été informées par le racisme systémique, ce qui a mené à une invalidité permanente et a failli causer ma mort. Le fait de pouvoir discuter et plaider en faveur du changement dans le système de santé sur mes plateformes sociales et par le biais d’événements communautaires organisés par Future Ancestors est une méthode valide, thérapeutique et valorisante d'honorer les soins que je prodigue à ma communauté et à moi-même.

Ma guérison a commencé lorsque j’étais en quête de sagesse, comme les enseignements que j'ai partagés dans mon Tedx Talk. Ma guérison continue alors que je laisse cette sagesse façonner mes vérités de façon fondamentale; les vérités de ce qui est normal, quels sont mes besoins, quelles sont mes responsabilités envers moi-même, et ces responsabilités coïncident avec les soins communautaires.

 

 

Larissa Crawford est une gardienne de cercle de justice restaurative, une chercheuse autochtone dont les articles sur la lutte contre le racisme ont été publiés et une artisane renommée de jupes à rubans qui transmet fièrement ses origines métis et jamaïcaines à sa fille, Zyra. Elle est la fondatrice de Future Ancestors Services, une entreprise sociale de services professionnels dirigée par des jeunes qui lutte pour l’équité et la justice climatique dans une perspective de responsabilité ancestrale et d’antiracisme. Larissa et son équipe cherchent à augmenter la capacité de leurs clients à honorer les gens et la planète à travers leurs pensées, leur travail et leurs espaces et mènent à bien cette mission tout en tirant parti des approches décolonisées et autochtonisées en matière de « conduite des affaires ».